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UNE ENQUÊTE D'ÉRIC FAVEREAU
Paris, 7 sept (ALP) Libération publie ce matin une
enquête et une analyse fouillées d'Éric Favereau sur
"la grosse colère du gendre de Lacan". Alors que l'on
attendait une reprise des guerres intestines de la galaxie lacanienne, on assiste
de façon surprenante, dit-il, à une opposition frontale entre
"les deux associations historiques des analystes", SPP et ECF. M.
Denis, interrogé par le journaliste, a émis l'hypothèse
que JAM pourrait avoir pété les plombs ; il considère simultanément
que l'objectif de celui-ci est de "faire entrer le mouvement lacanien
dans la terre promise de l'Association internationale". M. Diatkine
s'est inquiété de "lui faire dépenser de l'argent",
et a indiqué que la Revue française de psychanalyse, en tant que
"revue scientifique", n'était pas "un lieu de contestation
ni de droit de réponse". Mme Roudinesco juge le conflit "d'un
autre temps". Quant à M. Miller, dit M. Favereau, "il explose",
mais entend bien mettre sa colère à profit : "Je vais changer
la configuration des forces dans le milieu psychanalytique français et
international. Je vais regagner une partie du terrain médiatique que
j'ai laissée il y a dix ans."
LA BRIGADE DE DÉPOLLUTION
Paris, 7 sept (ALP) Ce matin, au cours de l'émission
de Pierre Assouline sur France-Culture, "Première édition",
J.A. Miller a lancé un défi aux psychanalystes qui contestent
l'orientation lacanienne en leur proposant de débattre publiquement
avec lui. Il n'a pas voulu dire à quels interlocuteurs il pensait:
"Qu'ils se désignent eux-mêmes", a-t-il répondu.
Invité à réagir aux propos prêtés à
Mme Roudinesco dans l'article de Libération, il a indiqué:
"Je me bats aussi pour Élisabeth". Au cours de l'émission,
il a confié avoir interviewé, alors qu'il était lycéen,
Jean Cocteau et Éric Rohmer, avoir eu longtemps dans sa chambre le portrait
de Maximilien Robespierre tout en appréciant "Les aventures du Mouron
rouge" de la baronne Orczy, et s'est reconnu dans le nom du groupe
de théâtre de rue, "La Brigade de dépollution".
Il a insisté pour que M. Assouline invite prochainement à son
émission MM. Denis et Diatkine: ils s'auto-détruiront en
public, a-t-il prévu.
MAO-LACANIEN?
Paris, 7 sept (ALP) Le Monde publie dans le "ventre"
de sa première page un article incisif de Jean Birnbaum intitulé
"Fureurs lacaniennes vingt ans après la mort du psychanalyste",
qui met l'accent sur la jeunesse "gauche-prolétarienne"
du gendre de Lacan, et présente l'ancien soixante-huitard comme
un lacanien au style sans-culotte et emphatique. Il souligne l'inspiration
agit-prop de la première Lettre de JAM, *mi tract-mi samizdat*.
EN AMÉRIQUE LATINE
Buenos Aires, 7 sept. (ALP) M. Ricardo Seldes, Directeur
de l'EOL, l'École de l'orientation lacanienne, basée
à Buenos Aires, a fait savoir à l'ALP que "le Directoire
de cette École fera traduire les Lettres de J.-A. Miller, qui seront
distribuées dans les meilleures librairies de l'Amérique
hispanophone". L'EOL, fondée en janvier 1992, est la plus importante
association lacanienne d'Argentine ; elle a participé en même
temps que l'APA et l'APdeBA, les deux grandes Sociétés
ipéistes de Buenos Aires, au Colloque Jacques Lacan qui s'est tenu
dans cette ville en avril dernier, à l'occasion du centenaire de
la naissance du psychanalyste.
ENTRETIEN AVEC JACQUES-ALAIN MILLER
Paris, le 7 sept (ALP) À la fin de la journée
du 7 septembre, M. Jacques-Alain Miller a accepté de donner un entretien
à notre correspondante Ghislaine de Saint-Amour. Celle-ci l'a d'abord
interrogé sur son choix de Cassegrain pour graver son fameux bristol,
choix qui a retenu aussi bien l'attention de M. Pierre Assouline que celle
de M. Favereau. J.A. Miller lui a répondu : "Désireux d'adresser
un appel en duel à M. Denis pour engager une campagne d'opinion
marquant ma sortie du désert où j'avais pris plaisir à
me confiner, j'ai voulu ne pas mégoter, et me suis adressé
rue Saint-Honoré au graveur qui a la réputation d'être
le meilleur de Paris. La charmante vendeuse, Mlle Céline, m'a d'ailleurs
fait admirer les bristols de John Galliano et de diverses Ambassades. Mon père
m'a appris par la suite que Dominique Cassegrain, le fondateur de cette
maison, était une de ses vieilles connaissances, les deux ayant fait
partie de l'entourage du peintre Gen-Paul, et collaboré à
l'édition du livre que lui a consacré Pierre Davaine en 1974,
préfacé par le Dr Jean Miller".
À la question de savoir qui était visé exactement
par l'offensive médiatique qu'il a lancée, J.A. Miller
a répondu: "Ce matin, j'aurais dit : l'actuelle équipe
dirigeante de la SPP, parce qu'elle prend des libertés inacceptables
avec le droit et avec la simple courtoisie. Je ne peux plus le dire, puisque
j'ai trouvé dans le courrier de ce soir la première lettre
que j'ai jamais reçue de ma vie sur le beau papier couché
à en-tête de la Société psychanalytique de Paris.
C'est un mot de son Président, Jean Cournut, que je connais depuis
fort longtemps pour être un homme exquis ; il suivait jadis les présentations
de malades de Lacan. Sans le nommer, je m'étais étonné
dans ma Première Lettre à l'opinion éclairée
qu'il ne m'ait pas au moins accusé réception de l'envoi
que je lui avais fait le 9 juillet, d'une copie de ma correspondance avec
MM. Denis et Diatkine. Eh bien, c'est chose faite. Par cette lettre datée
du 4 septembre et postée le 6, M. Cournut me remercie bien cordialement
de mon envoi."
Allez-vous dans ces conditions arrêter votre campagne
?
Un accusé de réception, si aimable soit-il,
n'est pas un armistice, encore moins un traité de paix comme j'aurais
aimé d'en conclure un avec Jean Cournut, un jour. En revanche, si
le Président de la Société de Paris est en mesure de revenir
sur la décision peu réfléchie de son mandataire éditorial
de braver le droit de la presse, et m'informe que son organe publiera comme
il se doit mon droit de réponse, alors, en effet, je tiendrai l'incident
pour clos, et j'oublierai tout, y compris l'hypothèse avancée
par M. Denis ce matin, selon laquelle il se pourrait bien que j'aie pété
les plombs. Je me donnerai pour satisfait, et consacrerai les Lettres dont j'ai
annoncé la parution à raisonner sur l'histoire psychanalytique
du demi-siècle écoulé, et quelques sujets d'actualité.
Est-il vraisemblable que la SPP revienne en arrière
?
Le vraisemblable dans cette affaire est une catégorie
modale qui ne semble pas être opératoire. Je n'avais pas imaginé
une seconde au début juillet que l'organe d'une Association
reconnue d'utilité publique, donc soumise à une tutelle particulière
des pouvoirs publics, notamment du Conseil d'État et du Ministère
de l'Intérieur, lequel dispose d'un droit de visite, et placée
sous l'étroit contrôle de l'Administration, se livrerait
à une infraction caractérisée au droit de l'information,
qui aurait pu conduire, si je ne m'étais refusé à
porter l'affaire en justice comme j'en avais la possibilité,
au retrait de sa reconnaissance d'utilité publique. Ce matin même,
je n'aurais pas pensé une seconde que le Président de la
Société de Paris, au reçu de ma Première Lettre,
accuserait réception, et dans des termes empreints de bienveillance,
du courrier que je lui avais adressé près de deux mois auparavant.
Aussi, je me garderai bien de supputer les décisions que pourrait être
amenée à prendre la direction de la Société de Paris
au vu de l'écho que les médias de notre pays ont bien voulu
accorder aujourd'hui à la protestation que j'ai élevée
devant l'opinion publique. Il me suffit que M. Cournut sache qu'il
est au pouvoir de la SPP de se dégager, pour peu qu'elle reconnaisse
sans fard l'erreur, humaine, trop humaine, de M. Denis. Je remettrai aussitôt
mon épée pascalienne dans le fourreau dont j'ai dit qu'elle
était amoureuse.
Mais, tout de même, comment expliquez-vous que le
Directeur de l'organe officiel de la SPP indique à la presse que
vous avez sans doute pété les plombs, tandis que le Président
de cette même Société s'adresse à vous si cordialement
dans une lettre privée ?
Je ne cherche pas à me l'expliquer. M. Denis
a son style, M. Cournut a le sien, j'apprécie l'un, l'autre
me rebute. Cela fait un peu désordre ? Nos collègues de la Société
de Paris ne sont pas robotisés, que je sache, et conservent chacun leur
personnalité propre. Par exemple, j'ai reçu au courrier du
soir le merci d'un membre titulaire de la Société pour lui
avoir adressé ma Lettre, dans laquelle il voit un document psychopathologique
des plus divertissants. Eh bien, qu'il sache que moi aussi la petite carte
qu'il a pris la peine de m'écrire m'a amusé, sans
que je la tienne pour de la schizographie : j'y reconnais la rusticité
des freudiens de la première heure, qui n'hésitaient jamais
à puiser dans la clinique pour se donner les uns les autres des noms
d'oiseaux. Jadis, on pouvait imprimer cela sans crainte, et l'on ne
se privait pas du Lust de faire des interprétations sauvages, jouissance
de toujours appréciée des connaisseurs. Aujourd'hui, ces
pratiques sont reléguées dans le secret des conversations et des
correspondances privées. Le public y perd quelque chose. Cela dit, pour
parodier Cyrano, c'est un peu court jeune homme, vous auriez pu dire bien
des choses en somme. Par exemple :"il a pété les plombs".
Il est vrai que cette réplique avait été préemptée
et brillamment exploitée par M. Denis. Mais pourquoi pas, plus posé
: "il ne sait pas gérer son agressivité"? Ou encore,
au choix : rage obsessionnelle, mégalomanie, personnalité narcissique,
crise d'hystérie, retour d'âge, passage-à-l'acte
pervers ou borderline, décompensation, voire déclenchement psychotique.
"À la fin de l'envoi, je touche"? Mais non : à
la fin, je vous serre la main mon cher collègue, vous êtes de la
paroisse.
Avez-vous reçu des témoignages de sympathie,
des encouragements ?
Le premier est venu de mon ami François Regnault,
qui m'a signalé que Leibniz se demande quelque part, sans doute
dans les Nouveaux essais, peut-être dans la Monadologie, "à
quel petit vent de rien du tout dans les ailes de son moulin le Meunier se réveille".
Le second, de Mme Jacqueline Lichtenstein, qui m'approuve de sortir ex
umbra. J'ai consulté hier, avant l'émission de France-Culture,
mon mentor, Mme Catherine Clément, qui m'a donné les informations
les plus précieuses avant de me dûment chapitrer. Enfin, j'ai
eu la joie de trouver ce matin, au retour de la Maison de la Radio, un mot de
Raphaël Sorin, qui a pris le temps, au milieu de la tourmente où
il est avec Houellebecq qu'il édite, de m'écrire qu'il
était heureux de me retrouver tel que dans notre déjà lointaine
jeunesse, "vibrant et terrible" nous étions en khâgne
à Louis-le-Grand en 1961-62. J'ai eu aussi la surprise de découvrir
le n° 48 du Bulletin interne de la SPP, de mars 1998, contenant un droit
de réponse de près de 200 lignes obtenu de Jean Cournut par Élisabeth
Roudinesco armée de l'article 13 de la loi du 28 juillet 1881, à
la suite de l'épisode auquel je venais de faire allusion une heure
auparavant à la radio, à savoir les protestations indignées
suscitées par la publication d'un article de sa plume dans la Newsletter
de l'IPA. Qui m'avait donc envoyé cette lettre, postée
la veille à 19h. ? Il n'y avait dans l'enveloppe que les photocopies,
mais on lisait au dos deux initiales : E.R. De mes collègue de l'École
de la Cause freudienne, les messages sont trop nombreux pour que je les cite.
Je distinguerai cependant celui de Philippe Lacadée, psychanalyste à
Bordeaux, qui m'a adressé un texte que je compte reprendre dans
une de mes prochaines *Lettres* : c'est un extrait de Pic de la Mirandole,
on ne peut plus topique.
LES LIBRAIRES SE MANIFESTENT
Paris, le 8 sept (ALP) Une émission de radio, l'article
d'un grand journal du matin, la première page du grand journal du
soir, le bouche à oreille, ont dopé la diffusion de la Première
Lettre de JAM. Tschann, boulevard du Montparnasse, seule librairie parisienne
à la vendre, a dû être réassortie en urgence. Trois
autres librairies se sont manifestées pour demander des dépôts,
elles seront livrées aujourd'hui même par l'auteur en
personne ; il s'agit de L'Arbre à lettres, boulevard du Temple
; de L'Escalier, rue Monsieur le Prince ; de Lipsy, rue des Écoles.
Une librairie a été contactée à Lyon. M. Gérard
Mallassagne, psychanalyste nîmois, s'est offert de veiller avec l'aide
de ses amis à la diffusion dans toute la région de l'antique
Voie Domitienne, qui comprend les villes d'Agde, Alès, Avignon,
Banyuls-sur-Mer, Béziers, Collioure, Cuxac d'Aude, Font-Romeu, Montpellier,
Nîmes, Perpignan, Pignan, Remoulins, Sète (patrie de Paul Valéry
et de Georges Brassens), et Uzès.
COMMUNIQUÉ DE L'ÉCOLE DE LA CAUSE FREUDIENNE
Paris, le 8 sept (ALP) Le Directeur de l'École
de la Cause freudienne, M. Pierre-Gilles Guéguen, nous fait parvenir
hier soir la déclaration suivante : "J'associe pleinement l'ECF
à la démarche de Jacques-Alain Miller. Nous partageons son analyse
de l'article qui a déclenché cette affaire, comme son indignation
devant le refus qui lui a été opposé d'insérer
un droit de réponse, en contravention flagrante avec le droit de la presse.
L'ECF, École de la passe, institution responsable,
soucieuse au plus haut point du recrutement de ses membres, et tout autant de
leur formation qui est à la fois approfondie et permanente, ne saurait
accepter de se voir déprécier avec légèreté
dans une publication professionnelle périodique diffusée en librairie,
puis scandaleusement privée par le Directeur de celle-ci des moyens d'exprimer
son point de vue comme la loi lui en donne expressément le droit. Ce
sont là des manières de faire qui n'ont pas leur place dans
un État de droit, et qui sont à proscrire une fois pour toutes
du champ psychanalytique. Nous avons été patients, trop sans doute.
Les diffamateurs doivent savoir que, désormais, nous porterons plainte
en justice chaque fois que notre honneur professionnel sera mis en cause sans
que nous ayons la faculté de répondre dans les conditions prévues
par la législation en vigueur. C'est le succès de notre École
que l'on jalouse. On essaye d'atteindre la pratique des analystes
qui en sont membres et de ruiner la confiance que leur font leurs patients.
Depuis la fondation de notre École en 1981, nous faisons
connaître régulièrement le résultat de nos travaux,
et nous mettons en discussion les avancées cliniques et théoriques
proposées par nos membres, dans des Journées d'étude
annuelles, ouvertes au public, et qui réunissent jusqu'à
2000 professionnels, ainsi que dans nos publications. Nous avons prévu
depuis un an de dire tout spécialement, lors de nos prochaines Journées
qui se tiendront les 25 et 26 novembre prochains au Palais des Congrès
de la Porte Maillot, Comment on analyse à l'École de la Cause
freudienne. La presse y sera admise. Sur tout ce qui concerne la théorie
et la clinique de la psychanalyse, la direction de la cure, l'usage du
transfert, la durée des séances, etc., nous acceptons de débattre
avec nos collègues, quelle que soit leur obédience, pour peu qu'ils
respectent la déontologie commune aux hommes de savoir.
Nous ne pouvons que nous réjouir de voir la Revue française
de psychanalyse s'aviser que le lacanisme est incontournable cinquante
ans après l'avoir mis à l'index. Mais nous constatons
que, sous le prétexte fallacieux qu'une 'revue scientifique' n'est
pas 'un lieu de contestation' propos de M. Gilbert Diatkine cité
dans Libération de ce jour , celui-ci nous diffame, puis refuse
la réplique. Il le fait au nom de la science. Qu'en pensent les
scientifiques?"
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