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LA RÉVOLTE DE TOUT LE MONDE.

- Paris, mardi 6 janvier 2004 -
 
 

 
Jacques-Alain Miller nous a fait la déclaration suivnte : « Le 29 décembre, je recevais de Gabriel Chantelauze, de Clermont-Ferrand, le texte de la circulaire n0 2003-210 du 1er décembre 2003, parue au Bulletin officiel de l'Éducation nationale n0 46 du 11 décembre. Ce texte de plus de 100 000 signes est adressé par le Ministère de la Santé et celui de l'Éducation nationale aux recteurs d'académie ; aux inspecteurs d'académie ; aux directeurs des services départementaux de l'Éducation nationale ; aux chefs d'établissement ; aux inspecteurs de l'Éducation nationale. Son titre : La santé des élèves : programme quinquennal de prévention et d'éducation.

"Il faut en effet aujourd'hui, explique la circulaire, organiser, autour de la santé des élèves, une mobilisation totale." Cette mobilisation concerne aussi bien les familles que l'ensemble de la communauté éducative, "personnels de santé et sociaux, mais aussi les enseignants et les conseillers principaux d'éducation", sans oublier le personnel de restauration.

Dès cette année, un questionnaire sera distribué aux élèves de 3ème comportant un volet "santé psychique". Il est prévu pour la prochaine rentrée scolaire un nouveau carnet de santé, qui comportera "un protocole de consultation intégrant des données sur la santé psychique". "Une véritable éducation à la sexualité" sera mise en ¦uvre ; objectif : atteindre au moins 50 % des lycées sur 3 ans. D'une façon générale, "la collaboration devra être développée entre le milieu scolaire et les structures spécialisées (CMPP, secteurs de psychiatrie, services de médecine pour adolescents...)".

La collaboration des deux ministères est organisée sur une base permanente : un comité-pilote conjoint est institué (17 juillet 2003) ; une convention est passée entre le Ministère de l'Éducation et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (6 août) ; une autre avec l'INSERM (26 septembre). Ces dispositifs comportent processus d'évaluation et informatisation des données ; en cas de non-retour de la part des familles, il y a partage de l'information médicale avec un "médiateur".

Enfin, un décret du 26 novembre dernier crée, sur le modèle de l'ANAES, le Conseil de l'évaluation sociale.

Empruntons ce commentaire à Anaïs Barthélemy-Chaudoir, secrétaire de la Commission "Éducation Nationale" du SNP :

"Ce dispositif fait appel à une véritable mobilisation du corps médical où même les étudiants en médecine seront conviés à participer par le biais de stages en milieu scolaire.

Différents protocoles expérimentaux sont en train d'être mis en place, ciblés en particulier sur ce que le BO nomme la santé psychique. Ils vont de la conception d'un "guide d'actions sur la promotion de la santé mentale" à "l'élaboration d'enquêtes, en passant par des conventions cadres sur la prévention des troubles mentaux ainsi que le suivi des élèves concernés" à "l'expérimentation de la mise en place de dispositifs d'accueil des enfants et des adolescents en souffrance psychique" en passant par le projet d'assises de la prévention dès 2004. Des groupes de pilotage (avec choix des professionnels susceptibles d'y participer), des comités de lecture ainsi que la création d'une vingtaine de lieux d'accueil de la souffrance psychique vont être expérimentés."

De quoi s'agit-il ? Pour le dire très simplement, de la médicalisation de l'école. Les missions de l'Éducation recoupent désormais celles de la santé publique. Les deux ministères s'associent ; l'école devient un annexe de l'hôpital, plus particulièrement de l'hôpital psychiatrique ; les agences sanitaires entrent en action ; les personnels de santé, les travailleurs sociaux, les enseignants, les familles, sont mobilisés.

Qui inspire ce dispositif ? Aucun doute n'est permis : le discours épidémiologique québécois, avec ses maîtres-mots, mobilisation sanitaire, promotion de la "santé mentale", distribution de questionnaires, recueil informatique de l'information, évaluation. On dira plus tard : ce fut, au début du XXIème siècle, le retour de l'hygiénisme style XIXème siècle. L'amendement Accoyer n'était en effet que la pointe émergée d'un iceberg. Derrière, on trouvait sans peine le plan Cléry-Melin, Kovess, Pascal. Un peu plus loin, le Livre blanc de la psychiatrie et le rapport Allilaire-Pichot. Plus loin encore, la "grêle de rapports" tombée depuis trois ans du Ministère de la Santé. On voyait se dessiner en filigrane les visages et les masques de Big Brother, on pouvait apercevoir les dérives de la psychiatrie universitaire. Ce n'était rien encore.
Après l'intervention d'Allilaire dans le bureau de Mattéi et la circulaire 210, le point de capiton est mis, les chevilles entrent dans les petits trous : nous avons affaire à une clique hygiéniste néo-québécoise, qui, après s'être emparée des esprits au Ministère de la Santé, entend appliquer ses méthodes à grande échelle, en commençant par l'Éducation nationale.
L'institution des "psychiatres coordinateurs régionaux" prévus par le plan Cléry-Melin s'emboîte exactement avec la mise au pas des psychothérapeutes et des psychanalystes, refoulés vers les Instituts Allilaire sous contrôle psychiatrique. Nous avons ici une mécanique de haute précision qui s'est mise en marche à l'automne de cette année, et qui s'apprête à tout broyer sur son passage, nous et nos enfants et nos petits-enfants, si la révolte des psys, des intellectuels, de tout le monde enfin, n'y fait pas obstacle. »


 
 
C'EST LA GUERRE.

- Paris, lundi 5 janvier 2004 -
 
 

 
Jacques-Alain Miller nous a fait la déclaration suivnte : « Je connaissais comme tout le monde, par Libération, l'essentiel des propos qui s'étaient échangés le 12 décembre entre monsieur Mattéi et les représentants des principales associations psychanalytiques, la question des annuaires, la controverse sur qui a dit quoi, etc. mais j'ignorais ce qui s'était dit l'heure d'après, où le ministre recevait les psychologues et les psychothérapeutes. Je l'ai appris en lisant le compte rendu rédigé par Norbert Hacquard (NB : ce texte fait l'objet de la troisième dépêche de ce bulletin.)

Si l'auteur de ce compte rendu n'était pas Norbert, que je connais, ancien secrétaire général du SNP durant de longues années, décrypteur et praticien chevronné du discours administratif, esprit pondéré s'il en est, et si ce compte rendu n'était pas validé par les représentants mandatés de quatre groupes qui étaient présents, je dois dire que j'aurais douté de la fiabilité des propos qui nous sont rapportés.

M. Allilaire, professeur de psychiatrie, parle donc en maître dans le bureau du ministre. M. Allilaire critique Bernard Accoyer, car à son gré, les "ni médecins, ni psychologues" devraient purement et simplement être interdits d'exercer. M. Allilaire dicte des décrets d'application qui passent tout ce que l'on a pu lire jusqu'ici, et, à vrai dire, passent l'imagination.

Donc, le plan de ces messieurs est clair. De 9h à 10h 30, désarmer les analystes en leur offrant généreusement de se retirer de la scène de l'histoire avec les honneurs de la guerre et les félicitations du jury, pour gagner à pas comptés le cimetière des éléphants. De 10h 30 à midi, faire passer toute la psychothérapie sous la coupe d'une clique hygiéniste néo-québécoise, composée d'Allilaire et de ses alliés, comportementalistes, cognitivistes, épidémiologistes, de tous poils.

Bien. C'est la guerre. La guerre aux palotins, comme disait Sollers. Maintenant au moins, nous voyons qui sont ces palotins. »
 

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